Cartographier le territoire

Le 5 janvier, 2020 — 10:20 pm

Il y a chez moi, maintenant, des bibliothèques dont chaque rayon, chaque tablette constitue une couche sédimentaire d’un territoire que je ne saurais délimiter exactement.

Mais ce que je sais, c’est que ce territoire est unique.

Ce que je sais, c’est que ce territoire est patrimonial, ou, puisque je suis une femme, matrimonial.

Ce que je sais, c’est que ce territoire est appelé à disparaître éventuellement, à moins que je ne décide de le couler dans le béton (comme l’artiste autochtone Caroline Monnet coule dans le béton des matériaux de construction).

Mais je ne dispose ni de béton, ni d’espace, ni de force physique. Je devrai donc employer d’autres outils pour rendre ce territoire pérenne, ou plus pérenne en tout cas qu’il ne l’est maintenant, en janvier 2020.

En effet, ce territoire fait de livres, d’objets décoratifs, de photos, etc., c’est une carte géographique, une clé hiéroglyphique. Cette carte, cette clé sont le miroir de mon âme, de mon histoire, de ma quête de sens au fil des chapitres de ma vie, de mon errance ancrée dans des époques et des ambiances diverses et transitoires.

Je me mets moi aussi à la recherche du temps perdu* et du temps d’aujourd’hui appelé à se perdre.

L’impermanence de toute chose est indiscutable mais mon instinct de survie s’y oppose et veut témoigner. Ma voix veut se faire entendre.

C’est donc par le biais de photos et de textes inspirés par ces photos que ce matrimoine auto-bio-bibliographique sera mis au monde. Ma voix, que je me sens incapable de faire entendre autrement, pourra résonner dans le désert de l’impermanence, dans le foisonnement de toutes les autres voix humaines, animales, végétales et minérales.


*Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, La Pléiade, Gallimard.

**Merci aux réalisateurs du documentaire ‘Porteurs de plumes’ qui m’ont inspiré une partie de ce texte.

  

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